Multi Langage Website !

To make navigation more accessible to all, this site is available in several languages! Click on the 🌐 icon at the top of the page to choose the language you prefer

Partagez cette page

Pourquoi les Influenceurs Détruisent les Jeux Vidéo !

Pourquoi les Influenceurs Détruisent les Jeux Vidéo !

Plaidoyer pour une Critique Éclairée et la Fin des "Notes Consommateurs"

Le paysage de la critique de jeux vidéo est aujourd'hui saturé. Au milieu des voix établies, une myriade d'influenceurs et de testeurs autoproclamés émettent des jugements, souvent avec une portée considérable. Le problème central, cependant, réside dans la légitimité de nombre de ces évaluations.

Trop fréquemment, ce qui est présenté comme une analyse d'expert n'est en réalité qu'une opinion de consommateur, dépourvue de la compréhension profonde des mécanismes de création ludique.

L'utilisateur d'un jeu, aussi passionné soit-il, n'est pas d'emblée un critique apte à en disséquer les rouages complexes s'il ignore les fondements du développement. Comme le souligne un premier jet de réflexion sur ce sujet.

 Soyons directs : la plupart des gens qui notent les jeux vidéo n'ont aucune légitimité pour le faire... Un testeur qui n'a jamais touché, développé un jeu n'est pas un critique. C'est un client qui donne son avis.

Qui plus est, si les jeux sont devenus majoritairement si mauvais depuis quelques années. Peut-être est-ce dû à un cercle vicieux, auquel nous participons ?...

Des critiques mal faites, non argumentées correctement donnent de mauvais avis aux consommateurs qui influencent les ventes puis influencent ensuite la conception des jeux vidéos.

L'Impact de la Critique sur l'Industrie du Jeu Vidéo

L'influence d'une critique, qu'elle soit superficielle ou éclairée, ne s'arrête pas à la note. Elle enclenche une réaction en chaîne qui façonne la perception des joueurs, les décisions d'achat et, en bout de ligne, les types de jeux que les studios choisissent de développer. Voici deux visions de cet impact.

Il est donc crucial de distinguer l'expression d'un ressenti personnel – parfaitement valable en tant que tel – d'une critique analytique et informée. Cette dernière ne se contente pas de dire "j'aime" ou "je n'aime pas" ; elle explore le "comment" et le "pourquoi" de la conception et de l'exécution d'un jeu, évaluant les choix des créateurs à l'aune de leur art.

Cet article propose d'outiller le lecteur pour qu'il puisse discerner la critique superficielle de l'analyse perspicace, comprendre l'immense complexité inhérente à la création d'un jeu vidéo et, enfin, exiger et apprécier une critique plus profonde et plus juste.

Cette situation n'est pas le fruit du hasard. L'essor de la culture des influenceurs, combiné à un certain déclin du journalisme de jeu vidéo traditionnel, potentiellement plus axé sur l'expertise, a contribué à un abaissement des standards de ce qui est considéré comme une "critique". La vitesse de publication et la course à l'engagement priment souvent sur la profondeur et la compétence analytique.

Les influenceurs bâtissent fréquemment leur audience sur leur personnalité et leur capacité à créer une connexion émotionnelle, plutôt que sur une expertise technique ou conceptuelle approfondie. Leur objectif premier peut être de maintenir l'engagement de leur communauté ou de satisfaire des obligations contractuelles avec des sponsors, et non de fournir une analyse rigoureuse et objective.

Parallèlement, les médias traditionnels du jeu vidéo font face à des pressions économiques qui peuvent les pousser à privilégier un volume élevé de contenu moins fouillé ou à se reposer sur des articles optimisés pour les moteurs de recherche plutôt que sur des critiques de fond.

La facilité avec laquelle du contenu peut être créé et diffusé en ligne permet l'émergence de nombreuses voix, mais toutes ne possèdent pas le bagage nécessaire pour offrir des perspectives véritablement expertes. Il en résulte un paysage médiatique où des opinions superficielles peuvent acquérir une traction significative, risquant ainsi de désinformer les consommateurs et de dévaloriser le travail complexe et nuancé des développeurs.

L'Illusion de l'Expertise – Pourquoi Tant de "Tests" Sont-Ils Creux ?

Le "testeur-consommateur" type, souvent un influenceur, se caractérise par une approche superficielle du jeu. Il n'est pas rare de voir des verdicts définitifs rendus après avoir survolé un jeu pendant quelques dizaines de minutes seulement, armé d'un compteur de framerate et d'une liste de fonctionnalités à la mode.

Les descriptions s'appuient sur des termes subjectifs et non analysés tels que "c'est fun" ou "c'est pas mon délire", là où une véritable analyse du game design ferait défaut. Cette subjectivité érigée en analyse occulte les questions fondamentales : pourquoi ce jeu est-il amusant (ou ne l'est-il pas)? Ses systèmes sont-ils cohérents? La boucle de gameplay est-elle bien pensée?

Ces interrogations restent souvent sans réponse. L'impact d'un influenceur, comme le relève une analyse, "repose davantage sur sa capacité à établir une connexion émotionnelle avec son audience, plutôt que sur l'objectivité de leur analyse".

Cette approche est souvent couplée à une tyrannie de la technique pure. L'obsession pour les performances brutes – images par seconde, ray tracing, résolution – devient le critère principal de jugement, au détriment de la direction artistique, de l'innovation conceptuelle ou de l'expérience utilisateur.

Un jeu doté d'une direction artistique sublime mais d'une technique modeste sera pénalisé, tandis qu'une "coquille vide photoréaliste sera encensée". Ces critiques superficielles ont des conséquences : elles peuvent désinformer les joueurs, dévaloriser les aspects artistiques et conceptuels des jeux, et créer des attentes irréalistes ou une pression sur les développeurs pour qu'ils privilégient des caractéristiques techniques facilement commercialisables au détriment d'une qualité de jeu holistique. Dans certains cas, notamment pour les jeux à forte composante narrative, la couverture par les influenceurs peut même nuire aux ventes si elle révèle l'intégralité de l'intrigue, diminuant l'envie d'acheter le jeu pour le découvrir par soi-même.

Nombre de ces évaluations superficielles semblent fonctionner sur la base d'une "liste de contrôle" des fonctionnalités techniques en vogue. Si un jeu, particulièrement une production indépendante ou AA avec un budget plus modeste, ne coche pas toutes ces cases (comme le ray tracing ou un taux d'images par seconde très élevé), il est souvent injustement sanctionné, quelles que soient ses autres qualités.

Cette approche par "checklist" est séduisante car elle est facile à créer et à comprendre pour un large public, demandant moins d'effort analytique de la part du critique. Se concentrer sur des métriques aisément quantifiables comme le nombre d'images par seconde donne une illusion d'objectivité.

Source AFJV

De plus, le marketing des nouveaux matériels (consoles, cartes graphiques) met souvent en avant ces prouesses techniques, créant une attente chez les consommateurs que les influenceurs peuvent se contenter de relayer. L'implication directe est que cette méthode peut freiner l'innovation. Elle décourage les développeurs de prendre des risques avec des styles artistiques uniques ou des mécaniques de jeu novatrices qui ne correspondraient pas à la "méta" technique du moment. Cela conduit à une homogénéisation des attentes et peut appauvrir la diversité du paysage vidéoludique, désavantageant particulièrement les jeux qui privilégient une vision artistique forte ou un gameplay original à la puissance technique brute.

Dans les Tranchées de la Création – Ce que les Tests de Surface Occultent Systématiquement

Juger un jeu vidéo sans comprendre le processus de sa création revient à critiquer un plat sans connaître les ingrédients dont disposait le chef, ni les contraintes de sa cuisine. Créer un jeu est un "ultra-marathon semé d'embûches", un processus long et complexe qui s'étend bien au-delà du simple assemblage d'un produit.

Le Cycle de Vie d'un Jeu Vidéo : Un Marathon Créatif et Technique

Ce marathon se décompose en plusieurs phases clés :

·            La Pré-production : C'est la phase de l'idée, de la conception. Des artistes génèrent des centaines de concept arts pour définir une identité visuelle. Les game designers élaborent des prototypes, souvent rudimentaires ("moches et cubiques"), pour tester la viabilité et l'amusement potentiel d'une mécanique de jeu. Les bases du scénario sont posées, les choix technologiques sont arrêtés. Des mois, voire des années, peuvent être consacrés à répondre à la question fondamentale : "Quel est notre jeu?".  C'est également à ce stade que les producteurs évaluent la faisabilité et le financement du projet.8

·            La Production : C'est le cœur du chantier, la phase de construction intensive. Des millions de lignes de code sont écrites par les programmeurs. Les artistes 3D modélisent chaque personnage, chaque environnement, chaque objet. Les animateurs leur donnent vie. Les level designers construisent les niveaux, les scénaristes écrivent les dialogues et les quêtes. Les compositeurs et sound designers créent l'ambiance sonore. Cette étape est une "course folle où des centaines de personnes doivent synchroniser leur travail".

·            Le Post-lancement : La sortie du jeu ne signifie pas la fin du travail. Il faut corriger les bugs inévitables ("écraser les bugs"), analyser les retours de la communauté, équilibrer le jeu via des correctifs (patches), et parfois développer du contenu additionnel (DLC). Les testeurs QA jouent un rôle crucial en amont pour identifier ces problèmes, et les données utilisateurs post-lancement guident les ajustements futurs.

Derrière chaque jeu se cache une armée d'artisans aux compétences variées :

- Le Game Designer est l'architecte de l'expérience, définissant la vision, les mécaniques de gameplay, les règles et la structure du jeu. C'est, selon la formule de Jesse Schell, "l'art de décider de ce qu'un jeu devrait être".

- Le Programmeur (ou développeur, ingénieur) traduit ces concepts en code, créant le moteur du jeu, gérant la physique, l'intelligence artificielle, l'affichage graphique, le son, et développant les outils utilisés par le reste de l'équipe.

- L'Artiste est responsable de tout l'aspect visuel : modélisation 3D, création des environnements, des textures, des animations, des éléments d'interface utilisateur.

- Le Sound Designer façonne l'univers sonore, des effets bruitistes à la gestion des dialogues, en passant parfois par l'intégration de la musique.

- L'UX Designer, souvent méconnu, se concentre sur la fluidité de l'expérience joueur, la facilité d'utilisation des interfaces et l'ergonomie générale.

- Le Producteur est le chef d'orchestre, gérant l'équipe, le budget, le calendrier de production et assurant la liaison avec l'éditeur.

- Le Testeur QA (Assurance Qualité) traque les bugs, les défauts de conception et s'assure de la qualité globale du produit avant sa sortie, un rôle souvent bien plus répétitif et méthodique que simplement "jouer à des jeux".

Les Contraintes Invisibles : Budget, Temps, et Technologie

Ces trois piliers façonnent inéluctablement le produit final, et leur ignorance par les critiques de surface mène à des jugements biaisés.

·            Le Budget : Chaque studio dispose d'une enveloppe financière limitée. Une idée de quête annexe jugée excellente peut être abandonnée car trop coûteuse à produire. Une animation de personnage non-joueur (PNJ) ultra-détaillée, multipliée par des centaines de PNJ, peut faire exploser les coûts. L'échelle des budgets est vertigineuse : un jeu AAA peut coûter bien plus de 100 millions de dollars (parfois 150 millions en moyenne), tandis qu'un jeu indépendant peut voir le jour avec moins d'un million.

·            Le Temps : Les éditeurs imposent des dates de sortie, créant une pression constante. L'équipe doit faire des choix cornéliens : "On peaufine cette mécanique ou on corrige ces 50 bugs critiques?". Le jeu "parfait" est une chimère ; il n'existe que le meilleur jeu possible dans le temps imparti. Le développement d'un jeu AAA s'étale souvent sur 3 à 5 ans, voire 7 ans pour des projets d'envergure comme Red Dead Redemption 2. Les jeux indépendants, bien que variables, ont généralement des cycles de production plus courts.

·            La Technologie : Un jeu doit fonctionner sur des configurations matérielles spécifiques (consoles de salon, PC de gamme moyenne, etc.). Les développeurs passent un temps considérable à optimiser, à trouver des astuces pour que leur vision artistique ne se traduise pas par des performances désastreuses pour le joueur. Le fameux "downgrade" graphique, souvent critiqué, est fréquemment le résultat d'un compromis nécessaire pour assurer la jouabilité du titre par le plus grand nombre. L'innovation technique elle-même, comme l'intégration des skylines dans BioShock Infinite, représente un défi majeur qui demande du temps et des ressources pour être surmonté.

Ces contraintes de budget, de temps et de technologie ne sont pas des facteurs isolés ; elles sont profondément interconnectées. Une compréhension de ces interdépendances est essentielle pour une critique éclairée, car leur méconnaissance par les évaluateurs conduit souvent à des critiques naïves ou injustes.

Par exemple, un budget restreint, typique des productions indépendantes, limite naturellement la taille de l'équipe. Une équipe plus petite signifie moins de main-d'œuvre pour la création d'actifs graphiques, la programmation des systèmes de jeu, et l'optimisation, ce qui allonge les délais de production. Pour respecter un calendrier raisonnable (ou pour répondre aux exigences d'un éventuel éditeur), le studio indépendant pourrait être contraint de simplifier les graphismes (une contrainte technologique découlant du manque de temps et de budget pour l'optimisation) ou de réduire la densité et la complexité de son univers de jeu.

De même, une date de sortie impérative (contrainte de temps) peut forcer des coupes dans les fonctionnalités prévues (impactant la richesse du jeu, elle-même liée au budget alloué à ces fonctionnalités) ou aboutir à une optimisation moindre (contrainte technologique) si l'équipe est de taille réduite (contrainte budgétaire). Inversement, des objectifs technologiques ambitieux, comme des graphismes de très haute-fidélité sur un nouveau moteur de jeu, peuvent faire exploser les besoins budgétaires et rallonger considérablement le temps de développement.

Ainsi, lorsqu'un influenceur compare un jeu indépendant en monde ouvert à une production AAA ayant coûté 200 millions de dollars et se plaint de graphismes "moins impressionnants" ou d'un monde "vide", sans tenir compte de ces contraintes interdépendantes, il commet une erreur d'appréciation fondamentale.

Il juge le jeu selon des critères inappropriés et échoue à évaluer l'art de ce qui a été accompli dans les limites de ces contraintes. C'est une faillite majeure de la critique de type "consommateur-devenu-critique". Mettre en lumière cette interconnexion est crucial pour démontrer que le développement de jeux est un exercice d'équilibriste permanent.

Décrypter un Jeu – Les Vraies Clés d'une Analyse Pertinente

Une fois les coulisses de la création appréhendées, il devient possible d'analyser la scène avec un œil plus averti. Plusieurs disciplines fondamentales doivent être comprises pour évaluer la qualité réelle du travail d'un studio.

L'Expérience Utilisateur (UX) et l'Interface Utilisateur (UI) : L'Art de l'Invisible Indispensable

Ce domaine est "sans doute le plus méconnu et pourtant le plus crucial". Il conditionne directement le confort et le plaisir du joueur.

·            L'UI (Interface Utilisateur) : C'est ce que le joueur voit. Elle regroupe tous les éléments visuels avec lesquels il interagit : l'affichage tête haute (HUD), les menus, les icônes, les polices de caractères. Une UI de qualité doit être lisible, esthétiquement cohérente avec l'univers du jeu et, surtout, claire. La clarté, la simplicité et l'utilisation judicieuse des principes de perception visuelle (comme les lois de la Gestalt) sont primordiales pour que l'information soit transmise efficacement.

·         L'UX (Expérience Utilisateur) : C'est ce que le joueur ressent. Elle englobe la fluidité globale de l'interaction avec le jeu, son intuitivité, l'absence de frustration, la facilité de navigation et la qualité de l'intégration des nouveaux joueurs (onboarding). Une bonne UX se traduit par une interaction transparente : naviguer dans les menus sans effort, comprendre immédiatement une nouvelle compétence, être sauvé par une sauvegarde automatique bien placée. Les qualités recherchées sont l'intuitivité, l'efficacité, la mémorabilité (pour reprendre un jeu après une pause), un faible taux d'erreur et la satisfaction.

Plusieurs principes clés, notamment ceux mis en avant par des expertes comme Celia Hodent, guident une bonne conception UI/UX :

- Clarté : Toute information communiquée doit être perçue comme prévu. Les symboles et le texte doivent être sans ambiguïté.

- Cohérence : Les contrôles, l'interface et les retours d'information (feedback) doivent se comporter de manière consistante autant que possible pour éviter la confusion et faciliter l'apprentissage. Celia Hodent nuance cependant en avertissant que la cohérence n'est pas toujours souhaitable si elle s'applique à des fonctionnalités très différentes et nuit à l'ergonomie spécifique de chacune.

- Feedback : Le jeu doit fournir des retours clairs et immédiats aux actions du joueur. Cela renforce la compréhension et réduit la frustration.

- Accessibilité : La conception doit penser à tous les joueurs, y compris ceux en situation de handicap, en proposant des options pour les daltoniens, des sous-titres personnalisables, la possibilité de reconfigurer les touches, etc..

- Minimisation de la Charge Cognitive : Il faut éviter de submerger le joueur avec trop d'informations ou des contrôles inutilement complexes, sauf si cela fait partie intégrante du défi ludique (par exemple, un jeu de gestion de crise).

Des jeux comme Persona 5, avec son interface stylisée (bien que potentiellement déroutante au premier abord), Dead Space et son UI diégétique (intégrée à l'univers du jeu), ou Hearthstone pour sa clarté et son aspect tactile, sont souvent cités comme exemples de bonne UI/UX. À l'inverse, une mauvaise UX se manifeste souvent par des interfaces surchargées ou une navigation confuse.

La Narration Ludique : Tisser des Histoires au-delà des Cinématiques

"La narration dans un jeu vidéo, ce n'est pas juste les cinématiques. C'est un art complexe et diffus". Elle se déploie sur plusieurs niveaux.

·            Narration Explicite : C'est la couche la plus évidente, comprenant les dialogues, les cinématiques, et les textes présents dans le jeu (livres de lore, descriptifs de quêtes). Son évaluation porte sur la qualité de l'écriture, le développement des personnages et la cohérence de l'intrigue.

·            Narration Environnementale : C'est l'art de raconter des histoires à travers le monde lui-même. Elle utilise la conception des niveaux, la direction artistique, le placement d'objets et les détails ambiants pour transmettre des informations narratives ou construire l'univers sans exposition directe. BioShock en est un exemple magistral : la cité déchue de Rapture raconte sa propre histoire à travers ses halls art déco en ruines, les objets personnels abandonnés et les graffitis sur les murs. Des jeux comme What Remains of Edith Finch, où chaque pièce d'une maison dévoile le destin d'un membre de la famille , ou Gone Home , excellent également dans cet art.

·            Narration Systémique : Elle se produit lorsque les mécaniques de jeu elles-mêmes véhiculent un sens narratif. Les règles et les systèmes du jeu créent ou renforcent les thèmes narratifs ou la compréhension du joueur. L'exemple canonique est Papers, Please, où l'acte répétitif et bureaucratique de tamponner des passeports fait ressentir au joueur le poids et l'oppression d'un régime totalitaire. La conférence GDC d'Adam Dolin sur le "Storytelling Through Systems" souligne l'importance d'entrelacer thèmes, intrigue et arcs de personnages au sein même des mécaniques de jeu.

Le Game Design : L'Architecte de l'Amusement et de l'Engagement

"C'est la discipline la plus fondamentale, celle qui transforme une idée en un système interactif". Le rôle du game designer est de créer des "choix intéressants" pour le joueur.

·            La Boucle de Gameplay (Gameplay Loop) : Il s'agit de la séquence d'actions fondamentales que le joueur répète (par exemple : Explorer → Combattre → Obtenir du butin → S'améliorer → Explorer à nouveau). Une bonne boucle est engageante, satisfaisante et idéalement, elle évolue ou se renouvelle pour maintenir l'intérêt sur la durée.

·            Les Systèmes de Jeu (Game Systems) : Ce sont toutes les règles et mécaniques qui régissent l'univers du jeu : système de combat, d'artisanat, de dialogue, de progression, d'économie, comportement de l'intelligence artificielle, etc.. On évalue leur profondeur, leur cohérence entre eux, leur équilibre et le potentiel d'expression qu'ils offrent au joueur. Il existe une grande variété de types de mécaniques, allant de la stratégie à l'action, en passant par l'exploration, le jeu de rôle ou la gestion de ressources.

·            L'État de "Flow" (Mihaly Csikszentmihalyi) : Concept psychologique crucial en game design, le "flow" est un état mental de concentration intense, d'immersion totale et de plaisir, atteint lorsqu'il existe un équilibre optimal entre le défi proposé et les compétences du joueur. Un jeu trop facile mène à l'ennui, un jeu trop difficile à la frustration. Atteindre et maintenir cet état est un objectif majeur pour assurer un engagement soutenu. Les composantes du flow incluent des objectifs clairs, une concentration focalisée, une distorsion de la perception du temps, des récompenses intrinsèques, un feedback immédiat, un équilibre entre compétence et défi, un sentiment de contrôle et une perte de conscience de soi (absorption dans l'activité).

·            Le Gameplay Émergent : Ce phénomène se produit lorsque des interactions et des résultats non scénarisés et inattendus naissent de l'interaction complexe entre les divers systèmes de jeu et les choix créatifs des joueurs. C'est la capacité des joueurs à utiliser les systèmes de manière innovante, parfois non prévue par les développeurs. Le gameplay émergent ajoute une profondeur considérable, une grande rejouabilité et renforce le sentiment d'agence du joueur. Il est favorisé par des systèmes ouverts, un monde riche en interactions et un encouragement à l'expérimentation.

Il est fondamental de comprendre que l'UI, l'UX, la Narration et le Game Design ne sont pas des disciplines isolées. Une critique informée saisit comment elles s'entremêlent pour créer une expérience joueur cohérente (ou, au contraire, décousue), alors que les évaluations superficielles ont tendance à louer ou critiquer ces éléments de manière isolée. Par exemple, une interface utilisateur (UI) claire et bien conçue aide les joueurs à comprendre les mécaniques de jeu (Game Design) et à accéder aux informations narratives (Narration).

Une bonne expérience utilisateur (UX) garantit que l'interaction avec ces systèmes est fluide et ne brise pas l'immersion (Narration, Flow). Une interface d'inventaire maladroite (mauvaise UX) peut frustrer le joueur, le sortir de l'univers narratif ou perturber sa planification stratégique (Game Design). La narration peut être directement intégrée dans le game design, comme l'illustre la narration systémique de Papers, Please, où la boucle de gameplay principale est l'expérience narrative.

De même, les choix de game design, telle une courbe de difficulté mal équilibrée, peuvent engendrer de la frustration (mauvaise UX) et amener les joueurs à abandonner avant d'avoir pu apprécier tous les aspects narratifs. Une critique experte ne se contente donc pas d'affirmer que "l'UI est bonne" ou que "l'histoire est mauvaise". Elle explique comment l'UI soutient (ou entrave) le gameplay, ou comment les mécaniques de jeu renforcent (ou sapent) les thèmes narratifs. Cette compréhension holistique est ce qui distingue une analyse approfondie d'une simple liste d'observations déconnectées.

L'UI diégétique de Dead Space, où les informations vitales sont intégrées directement sur le personnage ou dans l'environnement, est un exemple brillant où la conception de l'interface sert simultanément l'immersion narrative et la clarté de l'UX.

Pour une Notation Éclairée – La Grille d'Évaluation de l'Artisan

Les systèmes de notation actuels, en particulier ceux employés par de nombreux influenceurs et même certains médias, pèchent souvent par leur superficialité. Ils se concentrent sur des métriques facilement quantifiables mais peu significatives (comme le simple décompte d'images par seconde) ou sur des "facteurs d'amusement" excessivement subjectifs et non analysés. Il est temps de proposer une alternative, une approche qui valorise l'artisanat – la compétence, le soin, l'intentionnalité et la qualité d'exécution à travers les diverses disciplines qui constituent le développement d'un jeu vidéo.

Cette démarche, inspirée des réflexions initiales et des grilles d'évaluation personnelles fournies, encourage une vision plus holistique et analytique.

Le tableau suivant n'a pas pour vocation d'attribuer un score définitif, mais de guider le processus analytique. Il incite celui qui évalue (même s'il s'agit du joueur pour sa propre compréhension) à se poser des questions critiques plutôt qu'à simplement réagir. Cet outil est précieux car il offre aux lecteurs un moyen pratique d'appliquer les enseignements de cet article, répondant directement au besoin d'une méthode d'évaluation plus informée. Il rend opérationnel l'ensemble de l'argumentaire développé.

Domaine d'Artisanat Questions Clés pour l'Analyse
1. Conception Ludique (Game Design) & Systèmes - Les mécaniques de base sont-elles originales, profondes, intuitives? Sont-elles cohérentes entre elles? - La boucle de gameplay est-elle engageante sur la durée? Se renouvelle-t-elle intelligemment? - L'équilibrage (difficulté, options stratégiques) est-il juste et stimulant? Permet-il un gameplay émergent? - Le jeu facilite-t-il un état de "flow"? Comment?
2. Expérience Utilisateur (UX) & Interface (UI) - L'interface (menus, HUD) est-elle claire, lisible, et esthétiquement cohérente avec l'univers? - La prise en main est-elle intuitive? L'onboarding est-il efficace sans être infantilisant? - L'expérience globale est-elle fluide, sans frictions inutiles (temps de chargement, contrôles rigides, etc.)? - Le jeu propose-t-il des options d'accessibilité suffisantes?
3. Narration & Univers - Si explicite (scénario, dialogues) : l'écriture est-elle de qualité? Les personnages sont-ils engageants? - La narration environnementale est-elle utilisée efficacement pour enrichir l'univers ou raconter des histoires implicites? - Les mécaniques de jeu contribuent-elles à la narration (narration systémique)? - L'univers (world-building) est-il riche, crédible, et invitant à l'exploration?
4. Direction Artistique & Cohérence Visuelle - Le jeu possède-t-il une identité visuelle forte et reconnaissable, au-delà du pur photoréalisme? - Y a-t-il une cohérence esthétique entre les environnements, personnages, et interfaces? - La qualité d'exécution (animations, éclairage, couleurs) sert-elle un propos artistique ou immersif?
5. Conception Sonore & Musicale - La bande originale est-elle mémorable et soutient-elle efficacement l'action et l'émotion? - Le design sonore (effets, ambiances) est-il satisfaisant, informatif, et immersif? - Le mixage audio (équilibre voix, musique, effets) est-il de qualité?
6. Réalisation Technique & Finition - Le jeu est-il stable et relativement exempt de bugs bloquants ou nuisant significativement à l'expérience? - Les performances sont-elles acceptables sur la plateforme cible, compte tenu des ambitions visuelles et de la nature du jeu (distinguer optimisation vs. manque de moyens)? - (Au-delà du framerate) La qualité technique générale (textures, modèles, effets) est-elle en adéquation avec la direction artistique et les moyens apparents du studio?

Cette grille, en se concentrant sur des "questions à se poser", transcende la simple attribution d'une note. Elle devient un outil de diagnostic qui aide à identifier pourquoi un jeu réussit ou échoue dans des domaines spécifiques, plutôt que de se limiter à un chiffre. Les scores numériques sont réducteurs ; un "7/10" informe peu sur l'expérience réelle ou sur les forces et faiblesses précises d'un titre. Les questions directrices, en revanche, forcent un engagement plus profond avec les composantes du jeu.

Par exemple, au lieu de "Graphismes : 8/10", la question "La qualité d'exécution (animations, éclairage, couleurs) sert-elle un propos artistique ou immersif?" incite à une évaluation qualitative de l'intention et de l'effet. Cette approche s'aligne parfaitement avec l'objectif pédagogique de cet article : enseigner aux lecteurs comment penser les jeux, et non pas seulement quoi penser des jeux. Elle donne ainsi aux joueurs les moyens d'articuler leurs propres expériences avec plus de précision et d'aborder les critiques (même celles qui utilisent des notes chiffrées) avec un œil plus critique, en cherchant le raisonnement derrière les scores. Il s'agit d'un passage fondamental du statut de "consommateur" passif à celui de "critique éclairé" actif.

Conclusion: Devenez un Critique Averti, Exigez Plus ! que des Chiffres

L'objectif de cette démarche n'est pas de tuer le plaisir simple et immédiat du jeu, mais de l'enrichir. En comprenant le "comment" et le "pourquoi" de la création d'un jeu vidéo, l'appréciation que l'on en a devient plus profonde, plus nuancée. On devient capable de reconnaître le génie dans un système de jeu élégant, l'intelligence d'une interface bien pensée ou la poésie d'une narration environnementale subtile.

Il est donc essentiel d'encourager chaque joueur à regarder au-delà des indicateurs superficiels tels que les compteurs d'images par seconde. Il faut analyser les systèmes, questionner les choix de conception, et apprécier l'art subtil qui se cache souvent dans les détails. Il existe d'ailleurs déjà des espaces où une analyse de fond est pratiquée, notamment certaines chaînes YouTube spécialisées qui s'efforcent de décortiquer les jeux avec rigueur et passion. Ces plateformes, lorsqu'elles sont menées avec expertise, offrent un contrepoint bienvenu à la superficialité ambiante.

En fin de compte, respecter une œuvre, c'est s'efforcer de la comprendre dans sa totalité. C'est le plus grand hommage que l'on puisse rendre aux centaines d'artisans qui ont consacré des années de leur vie à la créer.

Mais au-delà de l'enrichissement personnel, il y a un enjeu collectif. Un public éduqué aux complexités du développement de jeux est plus à même d'exiger et de soutenir une critique de haute qualité et approfondie. Si les joueurs comprennent ce qui constitue une bonne conception de jeu, une UX réussie ou une narration percutante, ils seront moins enclins à se satisfaire de critiques superficielles qui ignorent ces aspects.

Un public averti peut mieux identifier les analyses bien argumentées et les distinguer des prises de position hâtives ou du contenu sponsorisé déguisé. Cette demande peut créer une boucle de rétroaction positive : des joueurs plus informés recherchent une meilleure critique, ce qui, à son tour, peut inciter les évaluateurs (y compris les influenceurs désireux d'être pris au sérieux) à élever leurs standards analytiques.

Ainsi, cet article ne vise pas seulement à l'autonomisation individuelle, mais aussi à favoriser un écosystème plus sain pour la critique de jeux vidéo. En éduquant ses lecteurs, ganakel.com peut contribuer à élever le niveau général du discours autour du jeu vidéo, faisant de cet exercice non seulement une critique, mais une étape constructive vers une culture vidéoludique plus mature et plus exigeante.

---

Que faire ?

Je dirais de vous désabonner de ces influenceurs YouTube en expliquant pourquoi. De leur faire sentir et savoir qu’il ne s’agit pas de détruire ou d’encenser un jeu et son studio derrière ; par simple appât des likes et abonnés. De la même manière qu’on boycotte un produit.

Participer aux JPO (journées portes ouvertes)

Et de vous abonner à des contenus qui valent le coup pour leur pertinence

Les petites chaines qui font des critiques selon une grille de notation comme évoqué. Mettez-les en commentaires pour les faire connaitre.

Soutenir les créateurs indépendants, cela peut être aussi, donner des avis constructifs, ils n’attendent pas que des likes, mais souhaitent améliorer l’expérience pour vous l’offrir ensuite

***

Liens pour aller plus loin !

GAMMA

https://www.youtube.com/@GammaDepartment/videos

Marine Macq

https://youtu.be/NFIINE6MweI?si=BWpqXhMGVIgCignr

IAMAG : 

https://ganakel.com/les-articles-de-blog-et-et-ressources/iamag

Oliviou Krakus 

https://ganakel.com/les-articles-de-blog-et-et-ressources/olivier-krakus-ok-prod-et-ok-formation

AFJV (Association Française pour le Jeu Vidéo)

https://afjv.com/

Rames VR (Excellente chaine de critique et informations sur la XR)

https://www.youtube.com/c/ramesVR

ESMA 

https://ganakel.com/articles-de-vulgarisation-et-information

Gaming Campus

https://gamingcampus.fr/boite-a-outils/

3DVF

https://ganakel.com/les-articles-de-blog-et-et-ressources/3dvf-l-univers-fascinant-de-la-creation-3d-a-portee-de-clic

Chaines de studios préférés et interviews/podcast de créateurs

https://ganakel.com/les-articles-de-blog-et-et-ressources/chaines-et-podcasts

***

La grille d’évaluation des Jeux Vidéos par Ganakel

Catégorie Critère
QUALITÉ TECHNIQUE  
Performance Fréquence d'images stable (60+ FPS)
  Temps de chargement optimisés
  Stabilité générale du système
Graphismes Résolution et netteté des textures
  Qualité des effets visuels
  Cohérence artistique
Stabilité Absence de bugs majeurs
  Fiabilité du système
Sous-total Technique  
IMMERSION  
Contrôles Intuitivité des commandes VR
  Ergonomie des menus
  Retour haptique
Présence Échelle et proportions
  Audio spatial
  Sensation de présence
Interaction Précision des interactions
  Physique des objets
  Naturel des mouvements
Sous-total Immersion  
GAME DESIGN  
Mécaniques Originalité des mécaniques
  Équilibrage
  Progression
Rythme Gestion du rythme
  Courbe d'apprentissage
  Variété du gameplay
Rejouabilité Contenu additionnel
  Défis optionnels
  Modes de jeu
Sous-total Game Design
NARRATION  
Histoire Qualité d'écriture
  Cohérence narrative
  Personnages
Art Style visuel
  Ambiance sonore
  Univers
Impact Engagement émotionnel
  Mémorabilité
  Innovation
Sous-total Narration  
BONUS/MALUS  
Innovation Technologies nouvelles
Accessibilité Options d'adaptation
Confort VR Anti-nausée
Prix Rapport qualité/prix
Support Communauté et mises à jour
Total Bonus  
TOTAL FINAL  
***
Restez Curieux !

Et merci de partager, commenter cet article qui m'a demandé plusieurs semaines de travail ;)

Pas de commentaire encore


Un lien à partager dans le Blog? Une demande ?

Recherche